Une déchéance que le créateur explique avant tout par sa relation avec l'alcool : "Dans un premier temps, l'alcool était simplement une béquille. Puis je l'utilisais pour m'effondrer après une collection. Il me fallait alors deux jours pour m'en remettre, comme tout le monde. Mais avec toujours plus de collections à gérer, cela arrivait plus souvent, jusqu'à ce que je devienne esclave de l'alcool. C'est alors que je me suis mis à prendre des somnifères, car je n'arrivais pas à dormir, puis des pilules pour arrêter de trembler. [...] J'entendais sans cesse des voix dans ma tête, qui me posaient des tas de questions, mais à aucun moment je n'aurais admis être alcoolique. Je pensais être capable de contrôler tout ça". Constamment "dans sa bulle", Galliano vécu ainsi longtemps totalement déconnecté de la réalité : "Je ne savais pas utiliser un distributeur de billets".
Au sujet de ses propos antisémites du 24 février 2011 tenus sur la terrasse du café parisien La Perle, Galliano déclare : "C'est la pire chose que j'ai pu dire dans ma vie, mais je ne le pensais pas. J'ai depuis essayé de comprendre pourquoi ma colère se dirigea ce soir-là vers cette communauté. Je réalise maintenant que j'étais tellement hors de moi et mal dans ma peau que j'ai simplement dit la chose la plus horrible que j'ai trouvée." Depuis, le créateur révèle avoir lu plusieurs livres sur la Shoah et s'être rapproché de la communauté juive.
Loin de jeter la pierre à ses ex-patrons Sidney Toledano et Bernard Arnault (que certains jugèrent alors un peu trop prompts à ce séparer de leur poule aux oeufs d'or devenue soudainement canard boiteux), Galliano révèle que ceux-ci lui ont tendu la main à deux reprises, peu de temps avant l'incident : "Ils me dirent que j'allais finir par mourir si je ne faisais rien pour résoudre mon problème. En réaction, je déchirai mon tee-shirt, révélant un torse musclé puis lançai : ‘Est-ce que cela ressemble au corps d'un alcoolique ?'".
Il avoue par ailleurs ne pas avoir pris tout de suite conscience du tort qu'il avait pu causer à son entourage, et notamment à son collaborateur Bill Gayten : "Lorsque Bill me demanda : ‘Est-ce que tu réalises ce que tu as fait ?', je lui répondit : ‘Je pense', mais en fait ce n'était pas le cas, je ne pouvais pas lui dire tout simplement ‘oui', cela m'était impossible. Je ne lui ai pas reparlé depuis. C'est quelqu'un avec qui j'ai travaillé pendant 30 ans. Je réalise chaque jour un peu plus à quel point j'ai pu blesser les gens".
Entre lucidité, repentance et gratitude envers ceux qui n'ont jamais cessé de le soutenir (de Kate Moss à Anna Wintour en passant par Linda Evangelista), John Galliano nous livre ici une confession-analyse qui devrait lui permettre d'avancer un peu plus sereinement.
Et si l'on sait pertinemment que cette interview s'inscrit au sein d'une campagne de réhabilitation parfaitement huilée, difficile de ne pas être touché par ces quelques mots : "Cela peut paraître étrange, mais je suis vraiment reconnaissant pour ce qui m'est arrivé. J'ai tellement appris sur moi-même. J'ai redécouvert ce petit garçon avide de créer que j'étais au départ et que j'avais fini par perdre de vue. Je suis vivant". Lire l'interview sur Vanityfair : http://www.vanityfair.com/john-galliano-interview-exclusive
Par Lise Huret, le 06 juin 2013
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