Le short, mode d'emploi

"Une approche globale", en effet : je travaille dans la vente de gros, les supply chains peuvent être hallucinantes parfois, genre un produit qui fait deux allers-retours Asie-Europe avant de se retrouver chez l'utilisateur final. Ce n'est pas toujours comme ça, il y a des choses fabriquées en Europe et qui y restent, mais vu les délais, ces produits voyagent également souvent en avion. Dès qu'un produit nécessite un peu de main d'oeuvre qualifiée, on finit par le faire faire en Asie parce qu'ils paient les gens trois balles cinquante par décennie. Sans parler des milliers d'emplois qui dépendent du maintien de ce chateau de cartes, largement créé par la nécessité pour un tas d'entreprises de rester compétitives.

Quant à Zara ou H&M qui utilisent des matières recyclées, c'est très bien mais une mesure cache-sexe par rapport à la chaîne d'approvisionnement derrière. Mais un changement à ce niveau n'impacterait pas forcément l'expérience du consommateur en lui donnant l'impression d'acheter un produit éthique et, surtout, d'avoir un peu le pouvoir de faire un choix juste, alors qu'il a particulièrement peu de marge de maneuvre en ce moment. Et par ailleurs, ça devient presque cliché d'évoquer les chaines d'approvisionnement et de fabrication des téléphones qu'on utilise pour engueuler une influenceuse / journaliste de mode qui fait un voyage en avion.

Après, pour le fait d'engueuler publiquement, on capte un mélange assez bizarre de plaisir et de détresse chez les gens qui font ça : je me souviens avoir vu des campagnes internet organisées contre, souvent, un ou une prof universitaire (c'est dans l'espèce de vivier de carrières dans les milieux militants autour des facs que ça commence en général), ou un journaliste, pour qu'il ou elle soit exclu d'une conférence, voire se fasse virer et ne puisse plus rien publier. Et en fait, les gens se font épingler s'ils restent silencieux sur leurs réseaux sociaux. Vu que les réseaux sociaux, ça reste relativement récent, on ne mesure pas vraiment encore, non plus, l'impact psychologique, voire neurologique, de l'utilisation de ces applis, pour que les gens les plus normaux se mettent à se comporter comme ça. Il ne faut pas oublier que Twitter ou Facebook/Meta sont des entreprises et que ce qui les fait tourner, c'est une soupe bizarre de bisounours, de call-out culture, de complotisme et de haine, en résumé d'émotions intenses.

Pour la touche d'optimisme, ça ne va pas rester comme ça éternellement, et on voit déjà pointer un certain ras-le-bol et un appétit des choses défendues au niveau de la jeune génération: la call-out culture est en train de devenir le truc ringard de leurs parents millenials. Ou peut-être que j'essaie de trouver le bon côté de tous ces looks un peu "porno" qui commencent à revenir sur les podiums.