Dans la tête de ceux qui regardent les défilés...
Des critiques élogieuses aux remarques aseptisées, en passant par les commentaires acerbes et les déclarations enamourées, les défilés de mode suscitent une grande diversité de réactions. Un état de fait qui s'explique en partie par la position des commentateurs au sein de la sphère de la mode. Plongée fictive dans les pensées de celles et ceux qui observent les défilés…
L'acheteuse au sein d'un grand magasin parisien
"Les premiers passages confirment ce que l'on m'avait présenté en pré-collection et les matières correspondent aux tendances repérées lors du salon Première Vision. Thank God !
Vu le nombre de stars en front row et l'effervescence ressentie à l'extérieur, il est clair que la marque est en pleine ascension. Je vais peut-être devoir revoir ma commande et augmenter les quantités. Oh ! Cette micro-jupe est absolument divine. Importable pour 80% de notre clientèle, mais quel bel appât ! Elle donne envie d'avoir 17 ans. Et qui ne voudrait pas retrouver ses 17 ans ? Je l'ajoute à ma liste."
La rédactrice de mode d'un magazine féminin
"Second rang… second rang ?! Je veux bien que notre journal soit en perte de vitesse, mais un peu de respect ne serait pas de trop après plus de 15 ans de bons et loyaux services. Certes, mon article sera sans doute moins lu/vu que les publications virales de ces jeunes influenceuses qui occupent le front row, mais quand même…
Argh, vivement la fin des fashion weeks que je puisse à nouveau déguster un croissant avec mon café du matin.
Bon, la collection. Mmmh. Allons-y : "Le changement climatique inspire à la créatrice un vestiaire hybride mêlant maille et bikini. Le noir domine, ainsi que le blanc. Les shorts font leur retour, tout comme les robes."
Que dire de plus sans risquer de contrarier la marque ? Endommager nos relations avec l'un de nos plus gros annonceurs est un luxe que nous ne pouvons clairement pas nous permettre...".
La modeuse qui s'habille chez Zara et Sandro
"Oh, j'adore ! Je me vois tellement bien dans ce pantalon. Et cette combinaison ! Je la porterais tout le temps si je le pouvais. Ce petit top à volants est également très séduisant. Que c'est joli ! L'association du rose et du bordeaux me plaît. Quant à cette veste, c'est exactement ce qu'il me faut : la veste kaki de mes rêves. J'adore, j'adore, j'adore !".
La rédactrice de la section mode du New York Times
"First row, comme d'habitude, et ce malgré ma dernière critique mettant en lumière les faiblesses de leur dernière recrue. Ils ont apparemment le cuir plus épais que certaines maisons italiennes et américaines qui m'avaient banni plusieurs saisons de leurs défilés après avoir été froissées par l'un de mes papiers honnêtes et sans concession…
Tiens ! Il semblerait qu'ils aient pris en compte mes remarques : ces vestes sont bien mieux taillées que celles de la saison précédente, et les références aux années 40 sont plus subtiles que ce que l'on voit habituellement. Bon, le stylisme est encore trop impacté par le désir de plaire aux réseaux sociaux, mais on progresse !".
La styliste de stars
"Look 3 = faire décliner la robe en noir
Look 7 = à essayer lorsqu'elle aura perdu ses 3 kgs post-dépression
Look 14 = demander l'exclusivité pour les Oscars 2024"
La cliente
"J'aime vraiment la cohérence qu'ils ont maintenue depuis quelques saisons. Cela me permet de compléter ma garde-robe à mon rythme et sans avoir l'air démodée.
Les esprits chagrins diront que c'est ennuyeux, mais moi cela me convient parfaitement ! Je redoute au contraire un changement de direction artistique qui me ferait perdre tous mes repères. Je veux des vêtements portables et clairement identifiables. Je me moque éperdument des bons ou mauvais points distribués par les critiques. Une jupe reste une jupe, que diable ! Qui cela peut-il bien déranger que celle-ci s'avère être une copie d'un ancien modèle Prada ? Pas moi en tout cas !".
La star égérie
"Où est la note d'intention ? Hello Naomi, you were terrific at Coperni ! Bon, cette note… ah la voilà ! Il faut absolument que je mémorise quelques éléments de langage pour ne pas avoir l'air d'une Américaine déconnectée lorsque Loïc me demandera mes impressions sur le show.
Zut, ils éteignent les lumières. Tant pis.
De toute façon, c'est magnifique. C'est magnifique, n'est-ce pas ?
Cela fait tellement longtemps que je ne me pose plus vraiment la question…
"C'est magnifique", c'est ce que je dirai. C'est ce que l'on attend de moi de toute façon. Et vu le cachet que je reçois pour représenter la griffe, je peux bien taire le fait que je m'ennuie un peu plus chaque saison...".
La rédactrice de mode indépendante
"Argh, les premiers passages sont décevants. Depuis quelque temps, elle peine à sublimer sa propre grammaire stylistique. On sent que tout est là, à portée de main, mais pour une raison qui m'échappe, elle se laisse influencer par la tendance du moment au lieu de faire confiance à son intuition.
Ah, enfin une association de couleurs innovante ! Et le perlage de ce manteau ferait presque oublier le manque de subtilité de certains imprimés.
Pas de doute : une fois en boutique la collection trouvera son public grâce à ces pièces à la fois intemporelles et ancrées dans l'air du temps. Cela étant dit, elle ne restera pas dans les annales, contrairement à celles produites il y a quelques années...".
L'enfant de 4 ans regardant Vogue.com au-dessus de l'épaule de sa mère
"Pourquoi les dames elles sont bizarres ? Elles sont tristes ? Elles ont fait des cauchemars ? Elles ont pas mangé assez ? Elles vont où avec ces habits ? Pourquoi on voit leur culotte ? Pourquoi tu regardes ça, maman ?". NB : Le défilé analysé ci-dessus est aussi fictif que les personnages de cet article ;)
Par Lise Huret, le 02 octobre 2023
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Merci pour cet article j’ai beaucoup aimé l’analyse et le second degré on a l’impression d’être une petite souris cachée sous leur chaise 😂🤗