
On doit à Chantal Thomass le décloisonnement des genres. Avant qu'elle ne s'intéresse à la lingerie, celle-ci était sagement utilitaire, froufrous et autres touches sexy étant réservés aux belles des cabarets. À la fin des années 60, mai 68 étant consommé, Chantal Thomass a tout le loisir pour opérer ce qui pourrait s'apparenter à une véritable révolution dans le marché des sous-vêtements.
La petite Chantal n'en est pas à son premier coup d'éclat : déjà toute petite elle customisait son rébarbatif costume d'écolière et dessinait des tenues originales que sa mère - couturière d'usine - réalisait. Passionnée par la couture et le stylisme, elle entre en apprentissage chez Dorothée Bis, où elle apprend les rudiments du métier, ce qui lui permettra de se lancer en 1967. C'est la lingerie qui la fait vibrer, mais pas celle de l'époque couvrante, ringarde et anti-sexy. Elle plonge donc dans les archives du début du siècle où cocottes et danseuses de cabaret affichaient des sous-vêtements dignes de ce nom.
En 1970, elle présente sa première collection, sa mère étant toujours celle qui réalise ses modèles. Cette présentation fait l'effet d'une bombe : porte-jarretelles, corsets, autant de pièces outrageusement sexy sont proposées à la bonne société. Les unes hurlent au scandale, tandis que les autres se réjouissent de cette nouvelle liberté qui leur est offerte. L'univers qui y est proposé est foncièrement pin-up et s'adresse à une femme audacieuse, assumant sa sensualité.
La lingerie, qui jusqu'alors était reléguée entre gaines et culottes montantes intemporelles, se voit soumettre le traitement du prêt-à-porter. Chantal Thomass l'aborde comme les créateurs de mode, en proposant des collections à chaque saison, développant son concept et déclinant différents thèmes. Vu l'engouement que suscite son travail, elle propose quelques années plus tard une gamme entière de collants et de bas en dentelle qui génère l'enthousiasme.

Cependant, un coup du sort va lui faire stopper son ascension fulgurante : en 1995 son actionnaire lui retire son poste et ne lui permet plus d'utiliser son propre nom... Chantal Thomass ne s'avoue pas vaincue et parviendra à récupérer son nom trois années plus tard. En 1999, c'est une femme plus que jamais déterminée à faire voler les tabous en éclats qui s'associe avec le groupe Sara Lee.
Histoire de marquer son retour, la styliste expose dans les vitrines des Galeries Lafayette ses panoplies follement sexy. Le hic est que ses ensembles sont portés par de véritables mannequins... C'en est trop pour les féministes qui depuis longtemps ne supportent plus la vision de la femme proposée par Chantal Thomass. Elles s'insurgent donc contre ce qui pourrait rappeler le mode de prostitution en vogue à Amsterdam, et finissent par obtenir gain de cause : l'opération est stoppée.
Si certaines refusent que la lingerie coquine soit devenue un objet de consommation à part entière, les faits sont là : Chantal Thomass est parvenue à ce que les femmes osent s'offrir des sous-vêtements, au coup de cœur et sans tabous. D'ailleurs au sein de la mode chacun reconnaît son talent et son influence : en 2001, elle fait même l'objet d'une rétrospective au Musée de la Mode de Marseille.

Son nom devient synonyme de glamour boudoir. Ses couleurs - rose et noir - se déclinent sur de multiples produits précieux : ombrelles, bougies, papeteries... Elle lance également son parfum et participe à de multiples manifestations caritatives. Elle crée ainsi, depuis 2001, une poupée pour l'opération "Frimousses de créateurs" de l'UNICEF, qui est vendue aux enchères. Cette année, c'est le personnage de Catwoman que Chantal Thomass a revisité, version SM...
Chantal Thomass est désormais une griffe internationalement reconnue, elle possède plus de 25 points de vente à travers le monde. Sa boutique du Faubourg Saint Honoré attire les belles Russes de passage à Paris, est photographiée par les Japonais et expose les dernières nouveautés de la créatrice, du sac à main à la nuisette, en passant par la pantoufle...