Wild is The Wind - Steven Meisel

Pour son numéro de juin, Vogue Italie prête une nouvelle fois le flanc à la critique en laissant son photographe chouchou - Steven Meisel - livrer une série mode grinçante sur fond de misère esthétisée...
Wild is The Wind - Steven Meisel
Celui qui sortit en 1992 le sulfureux livre "Sex", dévoilant la chanteuse Madonna dans des poses plus que suggestives, a depuis fait du scandale son fonds de commerce. En effet, que ce soit à l'occasion de ses nombreux shootings de campagnes ou lors de ses multiples parutions dans Vogue Italie, où il n'hésite pas à tourner en dérision des thèmes tels que l'obsession de la chirurgie esthétique, les fouilles au corps, la psychose H1N1 ou encore le dogging (partie fine dans des lieux semi-publics - la série sera d'ailleurs refusée par Condé Nast), Steven Meisel semble aimer prendre le contre-pied de l'univers léché dans lequel il évolue.

Cela dit, le photographe faisant partie intégrante de ce microcosme, on a parfois du mal à faire la part entre travail artistique sincère et posture visant à entretenir sa légende. Si bien que de multiples lectures de sa toute récente série "Wild is The Wind" s'avèrent ici possibles...
Wild is The Wind - Steven Meisel
On notera au préalable qu'en grimant ses mannequins en vagabonds et en tirant des clichés destinés à un magazine de mode, Meisel s'inscrit dans la lignée de Galliano qui, il y a 10 ans, choqua les respectables clientes de Dior lors de son fameux défilé de clochards Haute Couture.

Aussi incongru que cela puisse paraître, il arrive en effet que ces deux mondes diamétralement opposés finissent par se rejoindre fictivement, afin de servir telle ou telle lubie créative. Sans parler des nombreux exemples dans l'histoire de l'art, où le thème du miséreux fut souvent exploité, donnant vie à quelques chefs-d'oeuvre (voir ici et là).
Wild is The Wind - Steven Meisel
On l'a compris, la pauvreté s'avère parfois inspirante. Cependant, si dans un musée le visage famélique d'un enfant croqué par Picasso peut virer au sublime, la mise en scène de cette même misère dans un cadre dit fashion peut avoir quelque chose d'obscène, ou tout du moins d'indécent.

Car quelles que soient les intentions de Meisel, que ce soit d'offrir une minute de culpabilité à celles qui feuillettent Vogue sur leurs draps de satin, d'évoquer les travers de cette mode qui propose parfois des pièces destroyed à prix d'or, d'imaginer un monde post-apocalyptique où les vêtements ne serviraient plus à parader mais bien à se protéger des agressions extérieures ou encore de mettre en abîme les préceptes "bobo bien-pensants" appelants à un drastique retour à la nature, le procédé reste discutable.
Wild is The Wind - Steven Meisel
En outre, les maquillages très premier degré ne permettent pas de prendre la distance nécessaire pour apprécier les couleurs à la Vermeer et les références à la peinture flamande émaillant cette série, tandis que de trop nombreux détails font gratuitement écho à cette misère croisée de plus en plus régulièrement sur les pavés de la capitale.

Au final, entre la vue d'un mendiant faisant l'aumône rue Saint Honoré et celle d'une mannequin accumulant les vêtements de marques en guise de couverture (singeant ainsi la précarité pour un magazine haut de gamme), on ne peut s'empêcher de penser que l'industrie du luxe manque parfois légèrement d'élégance...
Par Lise Huret, le 02 juillet 2010
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13 commentaires
Tous les commentaires
CameliaIl y a 13 ans
C'est pour ce genre d'articles que je viens ici tous les jours.
Ce qu'il y a de génial, c'est qu'outre ton goût toujours très sûr (cf tes conseils de mode), tu parviens à extraire de ce à quoi on s'intéresse d'abord pour le fond, c'est-à-dire la beauté dénuée de tout sens, une réflexion percutante et pertinente. Pour couronner le tout, tes articles sont très agréables à lire et fourmillent de références culturelles pointues.
Je te tire mon chapeau, Coco.
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PatouIl y a 13 ans
Alors là, je suis entièrement d'accord avec ton analyse !
J'avais déjà trouvé assez dérangeante la série de photos détournant le H1N1.
Je n'aime pas que soit détournée la misère à des fins commerciales.
En peinture, elle est dénoncée mais pas exploitée.
Cela dit, sur un plan purement technique, ce sont de belles photos.
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CocoIl y a 13 ans
@Camélia : Merci beaucoup :)
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Flo'Il y a 13 ans
Génial cet article, je n'ai pas envie d'en dire plus, je suis conquise.
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jeanneIl y a 13 ans
Ça fait du bien de lire ce genre d'analyse. S'approprier gratuitement cette misère que j'ai du mal à supporter dans les rues de Paris c'est un peu too much et en plus je ne vois vraiment pas le rapport avec la mode ... C'est juste grotesque d'utiliser la matière couverture de survie pour looker les mannequins.
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lablondeIl y a 13 ans
La 3e est assez trash et très représentative des "vrais" marginaux. Difficile de savoir quoi penser de cette série photo, tout dépend ce que le photographe a voulu dire. Enfin en fait je pense comme toi Coco, quel que soit son pseudo message, il veut certainement choquer et faire du buzz avant tout. J'espère pour lui qu'il ne sera jamais confronté lui même à ce genre de misère......
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OlgaIl y a 13 ans
En effet, je suis assez d'accord, c'est dommage car il a du talent et de bonnes idées... Peut-être qu'il pousse un peu trop chaque série à l'extrême, une fois ça va, quand c'est tout le temps... non. :s
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LnnaIl y a 13 ans
Je craignais et je crains toujours un peu que l'auteure du texte ci dessus soit une édito extérieure, de celles qui se permettent de jeter un regard haut sur les tenues de certaines vedettes américaines, qui se pâment pour des choses oh-so edgy et dont les analyses me laissent parfois bien perplexe. À l'opposé, il est très réconciliant de voir qu'un regard terre à terre puisse être portée par la même personne, de lire que les critiques défoncent un plafond de verre et qu'un monde parallèle existe et puisse être explicité sans vergogne en dehors de ces « draps de satin ».

Et je pense que c'est cette dichotomie qui réitère mes visites, quasi quotidiennes, sur TdM... C'est rafraîchissant. Merci pour cette variété passionnelle.
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DanièleIl y a 13 ans
Je ne trouve pas ça beau du tout de mettre en scène la pauvreté, en plus, ce n'est pas crédible... Les mannequins respirent la crasse (maquillage, vêtements parfois comme le 1er sur la derniere photo) et sur la dernière photo, son manteau est tellement impec... Même le col n'est pas abimé d'un iota...
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xxxIl y a 13 ans
tout à fait d'accord également... merci de ces positions de plus en plus régulières!

ça me renvoie à un blog de jeune homme "happy few" sur lequel je suis tombé récemment et qui se moquait ouvertement des vendeurs de roses à la sauvette qui ne parlent pas français, ou des ouvriers qui bossent sur les toits et qui ont des "jobs de m..."... sous couvert d'humour superficiel et à force de répétitions, on sentait l'indifférence et l'inconscience hallucinante de qqn qui sera toujours protégé par son milieu de la précarité

alors je suis très contente qu'un article rédigé par une blogueuse influente mette en lumière les dérives associées à la fascination du luxe
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R.Il y a 13 ans
En effet, je suis d'accord avec Coco lors de ses dernières lignes... La misère est exploitée, regardée avec mépris, ce qui n'était sûrement pas l'intention de Mr Meisel, je pense... Lui est là pour prendre des photos, "vendre" les vêtements (en somme), peut-être même pour dénoncer cette misère ambiante qui envahit malheureusement les rues de Paris et d'ailleurs.

C'est vrai que, en regardant leur Vogue Italia, papier glacé sur draps de soie, je ne crois pas que les jeunes femmes se précipiteront dans les rues distribuer argent, couvertures et nourriture aux sans-abris. Surtout si les soi-disants sans-abris du shooting revêtent un superbe manteau immaculé à col fourrure Moncler par-dessus une peau maquillée salement. Un petit jeu : comme Charlie, cherchez Eva Herzigova ! Vous l'avez vue ? Voilà, imaginez-la maquillée maintenant, en fourreau Dior. Dur Dur !

Les mentalités ne changeront pas avec de simples photos "choquantes", même si certaines resteront dans les mémoires pour la beauté de leur message "coup-de-poing" :
daraho.files.wordpress.co...
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claudineIl y a 13 ans
Comme ça fait du bien de voir qu'on peut s'intéresser à la mode sans être superficielle.
J'aime beaucoup votre prise de recul, ce n'est pas parce qu'on est dans un milieu quelque peu futile (la mode et le luxe), qu'on peut tout se permettre.

claudinekhiet.com
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loreIl y a 12 ans
Un superbe article magnifiquement argumenté !

Comme toi Coco je trouve ca assez choquant d'esthétiser cela de la sorte. Habitant dans une grande ville je croise très souvent ce genre de personnes, je les vois faire les poubelles (ils n'y cherchent pas de l'alcool hein, mais bien un petit quelque chose à manger...) et je peux vous dire que leur vie est loin d'être glamour.

Le pire c'est que certaines personnes vivant dans d'autres sphères vont certainement le penser !
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