Né en 1943 au Japon, le jeune Yohji devient orphelin de père pendant la Seconde Guerre mondiale alors qu'il est encore bébé. Il reste donc seul avec sa mère, couturière, avec qui il tisse des liens très forts. C'est pour lui faire plaisir qu'il entame des études de droit, puisqu'elle le rêve avocat.
Mais il réalise très vite que son destin l'attend ailleurs, et il quitte l'université de Keio au profit d'un cours de mode au Bunka Fashion College de Tokyo. Il s'y révèle plein de talent, et fait rapidement un stage à Paris dans les ateliers Lelong. Son unique ambition alors, est d' « habiller les clientes de sa mère ». De retour au Japon, c'est ce qu'il fera dans un premier temps, mais son expérience parisienne a révélé en lui l'envie de créer. Il lance donc sa propre griffe en 1971, à 28 ans à peine.
« Y's For Women », sa ligne féminine principale, voit le jour un an plus tard, mais c'est seulement en 1977 que Yohji Yamamoto présente son premier défilé à Tokyo. Celui-ci remporte un succès immédiat. Les codes esthétiques du créateur sont déjà perceptibles.
On y retrouve les coupes disproportionnées et les volumes géométriques si particuliers à celui-ci, et son vestiaire fascine immédiatement. Fort de l'accueil qu'on lui fait, il crée en 1979 sa ligne masculine, « Y's For Men », et part en 1981 à la conquête de Paris, où il défile lors de la fashion week.
Avec sa fiancée de l'époque, Rei Kawakubo, il est à l'initiative du mouvement déconstructionniste. Leurs marques respectives présentent des shows artistiques avant-gardistes qui interpellent, fascinent, ou choquent. On y voit des mannequins défiler dans d'étranges formes noires, l'air lugubre et le visage maquillé en blanc, dans une mise en scène minimaliste. Le choc culturel et stylistique est immense, certains crient au scandale, d'autres au génie…
Bien que controversé, Yamamoto se retrouve malgré lui le chef de file de la nouvelle génération de créateurs des années 80, qui retrouvent en lui l'idéal auquel ils aspirent. Rapidement, la notoriété du styliste fait le tour du monde, et en 1982, il présente sa collection à New York. Sa première boutique, « Aoyama Superposition », voit le jour en 1985 au Japon, et elle sera rapidement suivie par d'autres, à Londres puis à New York.
La créativité de l'artiste s'épanouit de plus en plus, et permet la naissance d'autres griffes, telles que +Noir, Costume d'Homme, ou Y's for Living, qui est véritablement une ligne de lifestyle. Une collection de Haute Couture viendra compléter le tableau en 2002, et elle sera exposée à la maison européenne de Paris sous le nom de « Yohji Yamamoto may I help you ? ».
Au travers de toutes ses lignes, le vestiaire de l'artiste transcende le temps et les cultures, entre Asie et Europe, et estompe les différences entre hommes et femmes à travers une esthétique asexuée. En apparence lisse et sage, il déploie son extravagance dans des coupes asymétriques et une distension des volumes. Ses vêtements féminins défient les conventions en enveloppant les courbes du corps dans des proportions exagérées, dans lesquelles le corps semble caché, perdu.
On retrouve aussi, comme un leitmotiv, une palette de couleurs très épurée, où l'opposition du noir et du blanc est omniprésente, rappelant les couleurs du yin et du yang. L'ensemble de tous ces codes donne un résultat révolutionnaire, qui n'avait connu aucun précédent auparavant.
Pour compléter son oeuvre, notre créateur fait également appel à des collaborations. Ainsi, en 2003, il crée en partenariat avec Adidas une nouvelle ligne lifestyle : « Y-3 », à mi-chemin entre le sportswear et le conceptuel Yamamoto.
De même, il s'associe à Mandarina Duck pour donner naissance à la ligne de sacs « Y's Mandarina ». Il vient également de signer un accord de licence avec Samsonite : la marque de bagages fabriquera et distribuera des sacs et accessoires griffés Y-3 à partir de printemps 2010.
Yohji Yamamoto a tellement révolutionné le style, que le musée de la mode à Paris lui a rendu hommage en 2005, en exposant 90 modèles cultes de la griffe. Il s'est même rendu hommage de son propre chef, dans sa dernière collection masculine, où il s'autoréférence à coups de pantalons raccourcis et costumes en laine bouillie …
Par Lise Huret, le 02 février 2007
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