Défilé Chanel - Haute Couture automne/hiver 2010-2011

Sous la verrière du Grand Palais, l'iceberg de mars dernier a laissé la place à un immense lion doré à la présence majestueuse, veillant sur une collection Chanel haute couture aux jeux de proportions un rien déconcertants...

Sur le podium, l'été virginal suggéré lors du dernier opus couture de la maison du 31 rue Cambon s'efface au profit d'un univers bien plus sombre. Habitué à voir ses collections en songe, Karl Lagerfeld révèle d'ailleurs en plaisantant que celle-ci lui est apparue sous la forme d'un cauchemar...

Il est vrai que cette saison la légèreté n'est point de mise, tweeds et velours enveloppant des silhouettes aux volumes peu évidents, le tout dans des teintes sombres et mélancoliques allant du marron au camel, en passant par le bordeaux et le bleu marine.

En outre, aucune longueur ne se veut consensuelle : avec audace, Karl Lagerfeld impose aux codes Chanel une vision architecturée où épaules arrondies, volumes cropped, manches 3/4 et longueurs mollet ne pouvaient que laisser songeuse une assistance habituée à plus d'évidence esthétique... Suivant la ligne conductrice de la collection, le petit tailleur Chanel s'offre ainsi une version revue et corrigée, mêlant jupes semi-longues et micro vestes. Viennent ensuite des ensembles en tweed rebrodé de fourrures pour élégantes soviétiques, suivis de multiples pièces aux "épaules descendues" conférant aux manches un bouffant tantôt chic, tantôt surfait.

Puis la silhouette s'affine, les néo-volumes entrent en résonance, donnant naissance à des compositions agréablement chanelissimes. L'épure des ensembles jupe taille haute/top cropped cisèle alors une allure à la fois classique et moderne.

De leur côté, les tenues "Soir" de la seconde partie du défilé nous rappellent combien les petites mains des ateliers Chanel sont habiles à tisser du rêve : toilettes nacrées entièrement perlées, lainages brodés et travaux d'aiguille - rappelant la surcharge baroque chère aux pays de l'Est - servent ainsi des tenues tout en contrastes, entre transparences et ornements. Par la suite, Lagerfeld va même jusqu'à conférer une patine presque sexy aux volumes sévères constituant la ligne directrice de sa collection, désacralisant leur dégaine sage à coups de dentelles et autres mousselines.

Enfin, s'il émane de cette présentation haute couture une sensation de rigueur rigide un brin laborieuse, la chevelure décoiffée et le simple trait de rouge posé sur les lèvres des modèles parviennent à lui apporter une bouffée de fraîcheur salvatrice...