Balenciaga vs Gucci : campagnes automne/hiver 2017-2018
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Se disputant actuellement le titre de "griffe la plus hype", Balenciaga et Gucci livrent cette saison des campagnes publicitaires aux partis pris esthétiques totalement opposés. Reste à savoir qui, entre le minimalisme utilitaire de Demna Gvasalia et le lyrisme SF d'Alessandro Michele, parviendra à convaincre les modeuses de siphonner leurs comptes bancaires…
Balenciaga
Shootées par Johnny Dufort, les images faussement ordinaires de la campagne Balenciaga reflètent à la perfection ce que Demna Gvasalia cherche à injecter au coeur de la mode d'aujourd'hui, à savoir une philosophie où "normalité améliorée" et mauvais goût sublimé donnent aux femmes les moyens de s'affranchir des stéréotypes.
Entre lumière blafarde, looks forts revisitant avec facétie et caractère les codes bourgeois et mannequins posant ironiquement sur une chaise banale placée sur le fameux tapis ayant marqué les esprits lors du dernier show Balenciaga, le créateur nous rappelle ici que la mode peut parfaitement se nourrir de l'ordinaire, à condition de lui conférer une saveur personnelle.
On notera par ailleurs qu'en refusant de mettre en valeur ses créations (entre photographies de basse qualité et non-utilisation de Photoshop), Demna Gvasalia leur rend paradoxalement service. Il est en effet frappant de constater à quel point leur fashion appeal résiste aux attaques de la normalité.
Gucci
Lorsqu'elles apparaissent sur les podiums, les créations joyeusement kitsch et gorgées d'inspirations kaléidoscopiques d'Alessandro Michele se révèlent souvent à des années-lumière de la réalité de celles qui visionnent avec gourmandise les shows Gucci sur leur laptop. On pourrait dès lors s'attendre à ce que la campagne publicitaire correspondant audit défilé cherche à offrir quelques clefs permettant de s'approprier plus facilement la grammaire guccienne de saison. Ce serait cependant mal connaître le DA de Gucci, qui n'aime guère soumettre son imagination prolixe aux contraintes commerciales...
Cet automne, c'est ainsi au sein d'une série B sous acide où des jolies aliens chaussent des lunettes perlées, où des extraterrestres tombent amoureux, où des élégantes en jupon coloré fuient à travers champ en direction d'une soucoupe volante et où l'on croise dinosaures énervés, poste de pilotage du capitaine Kirk et autres joyeusetés aussi incongrues que déjantées qu'Alessandro Michele projette ses costumes de brocarts, ses toilettes pour Linda Farrow en goguette chez Catherine de Médicis et ses looks punk/disco/nineties. Bienvenue dans l'univers Gucci 2017 !
Ce que j'en pense
Si elles apparaissent clairement antinomiques, ces deux campagnes n'en sont pas moins complémentaires. Elles génèrent en effet au sein de notre cortex des fantasmes insolites où trenchs déstructurés jouxtent bottines en cuir brodé, le tout sur fond de dentelle colorée et de logo démultiplié. Autrement dit, les modeuses pouvant se le permettre risquent fort d'aller satisfaire leurs lubies fantaisistes chez Gucci, avant de flatter leurs penchants normcore/cérébraux chez Balenciaga…
Il est par ailleurs appréciable de voir des griffes prendre de vrais risques esthétiques : s'il veut pouvoir redevenir savoureux, le paysage mode a en effet besoin d'extrêmes, de partis pris débridés et d'images qui clivent…
Par Lise Huret, le 08 août 2017
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